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26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 09:43
Les Bombardements du 14 juin 1944



 Épisode central des années de guerre, les bombardements de Saint-Hilaire, sont aussi, pour cette ville un des événements majeurs du siècle tant ils ont conditionné ensuite, par la reconstruction, le développement de la ville. Il n’y eut pas un, mais des bombardements qui se sont échelonnés entre le 6 juin, et le 6 août même si, bien sûr, la mémoire gardera la date funeste du 14 juin pour les plus importants, et les plus meurtriers.

Les Saint-Hilairiens avaient eu la chance de rester jusqu’à la fin du printemps 44 en dehors de la guerre proprement dite. Il y avait juste eu, le soir du 19 août 42, un couvre-feu anticipé à cause du débarquement de Dieppe, et ensuite la vision, en rangs serrés des « forteresses volantes » qui partaient bombarder diverses villes, et les grondements sourds des premières destructions sur Rennes. Le premier contact avec les réalités de la guerre, encore qu’ils ne soient alors qu’indirects, eurent lieu un soir de fin mai 44. Le car qui assurait le service de Coutances à Saint-Hilaire et qui se garait sur la place du marché aux veaux, devant la mairie, fut mitraillé sur la route par les Alliés, probablement par erreur, les aviateurs l’ayant sans doute confondu avec un transport allemand. 
Le 5 juin, les premières bombes, deux ou trois, tombèrent sur la ferme Delaporte, non loin de Saint-Hilaire, sans faire de victimes. Le lendemain, bien sûr, la nouvelle du débarquement était partout connue.  

Le marché du mercredi 7, interdit par les Allemands, vu les événements, fut néanmoins très actif, beaucoup de gens n’ayant pas eu le temps d’être prévenus. Mais beaucoup comprirent la situation quand on sut, que dans la nuit du 6 au 7, le château du Jardin à l’Ouest de l’hôpital (pris pas erreur pour un poste de commandement allemand ?) avait été visé, et avait perdu toutes ses vitres. Le soir même, à 17h, de grosses unités aériennes, et non plus des chasseurs-bombardiers isolés s’en prenaient à la gare et au pont de la Paveille. Vers 21h les avions alliés revenaient sur la gare et l’actuelle rue Jean Burgot, toutes les vitrines du bas de la rue de Mortain volant en éclats. Ajoutées à l’intense activité aérienne de la nuit, les rumeurs s’amplifièrent et l’abandon de la ville par une grande partie de la population commença comme le confirme encore R. Charlot : « ces bombardements, encore de faible ampleur par rapport à ce que l’on connut ensuite, eurent pour effet d’inquiéter la population, et beaucoup d’habitants quittèrent la ville pour se réfugier chez des amis ou parents dans les communes rurales voisines. Avant de quitter leurs maisons, les habitants, notamment les commerçants pour leurs vitrines, collèrent sur les vitres, de grandes bandes de papier en diagonale pour les protéger des déflagrations à venir, protection hélas bien dérisoire » conclut notre témoin qui partit alors à Virey, comme bien d’autres un peu partout autour «  à la Bénardais, sur Lapenty - signalait Charles Jaunet - 70 Saint-Hilairiens campaient comme ils pouvaient ».  

C’est officiellement à 20 h 15 qu’ont été datés les bombardements qui ont détruit en grande partie, le 14 juin 1944, cette petite cité millénaire.  
Dans l’après midi du 13, les Feldgendarmes allemands avaient réquisitionné sous la menace plusieurs camions, avec leurs conducteurs, soi-disant pour emporter du ravitaillement aux réfugiés de St-Lô. Les rares services restés à Saint-Hilaire attendaient impatiemment de partir, et l’hôpital militaire avait été évacué le 9. Un groupe de prisonniers canadiens avait même été vu dans la matinée, répondant aux sourires cordiaux de la population par le signe discret de la main formant un V symbolisant les espoirs de tous.
Le sénateur-maire Gustave Guérin, dans la réunion exceptionnelle du conseil municipal du 30 juin est très précis « vers 20 h 15, six groupes de chacun six gros bombardiers  passaient sur Saint-Hilaire, tout à coup, une explosion retentit suivie de plusieurs autres (…) je me rendis aussitôt place de la mairie. J’y étais à peine arrivé que de nouvelles explosions retentissaient. Il était 20 h 32 ".  
L’opération menée en fait par des bombardiers moyens lâcha un grand nombre de bombes sur la transversale rue Waldeck-Rousseau, rue de Mortain. Puis elle fut reprise environ un quart d’heure après, sur l’autre axe, rue de la République, rue de Paris. La rue d’Avranches fut, en fait peu atteinte, elle sera le pôle de développement économique et commercial de l’immédiat après-guerre.
Dans cette soirée de juin où le jour s’attarde, le spectacle est dantesque, Gustave Guérin qui se dirige vers la rue de Mortain envahie de fumée rencontre place Nationale le droguiste Laisné qui tient dans ses bras sa fille Yvette très pâle, car grièvement blessée, puis l’épouse du Dr Mosquet, contusionnée, soutenue par son mari. Les secours s’organisent sous la direction de Mme Lehec, et M. Yver galvanise les énergies pour dégager les blessés. Aidé par M. Laisné, (maréchal ferrant) et M. Anfray (marchand de tissus), avec un cric, il parvient à dégager Mademoiselle Dollerie, commerçante qui s’était réfugiée au café Boursin, et qui se retrouve coincée, suspendue par un bras. Par contre, on ne peut plus rien pour la petite bonne de l’hôtel de la Poste où sont également tués deux soldats allemands. Les canalisations coupées ne facilitent pas la lutte contre les incendies, et la pompe à bras a été réquisitionnée par les allemands sur un incendie rue de Paris.  

 

La situation est alors vers 21 h la suivante : il y a trois gros foyers à combattre rue de Paris, rue Lecroisey, rue de Mortain. Les grands magasins Lambert sont en flammes, tous les magasins d’alimentation (Macé, Lecoq, Mme Baubigny) brûlent avec une intensité effrayante, et les scènes tragiques se multiplient. Ici, M. Semery, supplie qu’on l’aide à sauver sa femme cernée par les flammes, là, la défense passive évacue le corps sans vie de Mr Philippe, père du négociant du même nom enseveli sous les décombres avec son employé François Jamont. C’est vers ce moment (21 h 30) qu’on apprend le drame du presbytère : le curé-doyen Roblin  tué avec toute sa famille et des amis dans une tranchée-abri. Seul en réchappa un vicaire, l’abbé Bochef qui a relaté très précisément ces événements « à l’hôpital, le Dr Cuche revenu de Laumondais dès la première vague soignait et opérait. Il le fit toute la nuit, aidé de
l’abbé Jean Gautier, éclairé d’une simple lampe à pétrole ».
Vers 18 heures, la tour Nord de l'église est en flammes, le feu consuma la toiture, les voûtes en lattis, le mobilier, les cloches tombèrent sur le sol, mais des témoignages font état d’un bombardement isolé que certains ont vu allemand, d’autres américain. La maîtrise de l’air alliée tout comme les archives allemandes plaident plutôt pour la seconde, Gustave Guérin certifiant devant le conseil « l’église porte les atteintes indiscutables de deux bombes (…) un cultivateur nous a affirmé avoir vu tomber une bombe quelques minutes avant sur l’église (…) quand j’arrivais dans le boulevard j’appris qu’une bombe avait mis, peu de temps avant, le feu au presbytère dans lequel avaient été placés les corps des 17 morts dont celui de M. le curé-doyen. Grâce à l’initiative courageuse de MM. Cauny, Costard de Saint-Malo, du chef de brigade de gendarmerie et de quelques hommes dévoués, ces corps ne furent pas tous brûlés ». 
Quoi qu’il en soit, l’édifice, orgueil des Saint-Hilairiens, tous les trésors accumulés ici depuis des années disparurent dans l’incendie : les statues des saints furent mutilées, et les cloches précipitées au sol.  
D’autres bombardements suivirent, notamment dans la nuit du 6 au 7 août, cette fois de la part des allemands (qui firent de nouveau 2 morts en ville et 3 en campagne). 
Malgré tout, la date funeste du 14 juin reste retenue par tous comme l’événement tragique marquant pour Saint-Hilaire dans ce siècle. 35 tués furent identifiés, cinquante blessés moyens ou graves furent soignés à l’hôpital, les 4/5ème de la ville étaient détruits. De 300 maisons il ne restait plus que des pierres calcinées, 350 autres étaient démolies, les immeubles épargnés n’avaient plus de vitres, les toits brisés, les portes disjointes. Tous les édifices publics étaient détruits ou gravement endommagés, les canalisations rompues, les lignes téléphoniques coupées, le chemin de fer hors d’usage, les approvisionnements brûlés ou volés par l’occupant. Tout était à refaire, et on se remit donc au travail. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

A
Bonjour,Vous trouverez sur ce site un récit de mon enfance lorsque j'étais en pension chez Lessart de 1943-1944, relatif à la célébration de la fête de Jeanne d'Arc dans l'église de Saint-Hilaire. Ce récit fut écrit, de mémoire, 25 ans après les événements qu'il relate. Lien :http://croire.blog.lemonde.fr/2007/07/04/1944-fetes-de-sainte-jeanne-d%e2%80%99arc/J'ai d'autres souvenirs de cette époque qui n'ont pas été publiés. Ils me concernent uniquement lorsque j'avais 11 ans au pensionnat Lessart, ainsi que la période de juin à fin août 1944, lorsque je restais chez les Lessart aves 3 autres garçons qui n'avaient pas pu regagner leur domicile par suite du blocage de la circulation par les Allemands. J'y raconte notamment mes impression des bombardements de St-Hilaure ainsi que l'arrivée des Américains libérateurs.Cordialement,Leboum
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