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30 décembre 2009 3 30 /12 /décembre /2009 08:48

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   Saint-Hilaire, on l’a vu dans les précédentes pages de cet ouvrage, a toujours joué de circonstances historiques particulières qui ont aidé à son développement : sa situation géographique, son positionnement à la frontière de trois provinces, et donc, beaucoup d’atouts qui ont aussi généré des destins exceptionnels à sa tête, en des périodes non moins exceptionnelles.

La ville n’avait pas attendu, bien sûr, le XXème siècle pour prospérer, on a vu aux chapitres précédents, avec l’historien Hyppolite Sauvage notamment, combien elle avait déjà, passé 1870, obtenu " le premier rang " des villes du Mortainais… devant la sous-préfecture elle-même ! A partir de 1900, malgré toutes les tribulations qu’elle subit sur le plan politique, elle fut servie par une municipalité dynamique " progressiste " avant l’heure, celle de Lucien Lelièvre.

L’ampleur des destructions liées à la guerre nécessitait à sa tête un maire d’une même " carrure ", et de ce côté, celle de Daniel Cuche fut plus qu’à la hauteur. Et en extrapolant un peu, on remarquera sur toute l’étendue du siècle la quasi " filiation " qui va s’opérer entre les maires se trouvant à l’articulation de toutes les grandes périodes de la ville : Daniel Cuche sera un des artisans de la reconnaissance officielle du travail effectué par Lucien Lelièvre, et à la fin de sa carrière, on le retrouvera même siégeant avec Michel Ganné, maire du passage au XXIème siècle dont nous allons parler plus loin.

Mais revenons en 1945, sans trop nous attarder sur la reconstruction dont nous avons parlé précédemment et sur l’urbanisme fortement modifié par force après les bombardements de juin 44, lesquels ont fait également l’objet d’une étude complète.

En 1946, Saint-Hilaire a retrouvé avec 3.293 habitants son niveau démographique d’avant-guerre.
 Les ass494.01ociations sportives redémarrent avec la création du V.C.H (Vélo Club Saint-Hilairien).
Les sociétés de pêche fusionnent le 11 mai 1947 en une seule sous la présidence de Jean Bourgeois, qui fera ensuite un long bail à sa tête. C’est aussi la grande période pour l’U.S.H football qui durera jusqu’en 1958. Et en février 1948, Roger Moulin fonde l’Élan Artistique.

On circule partout (le pont de la Paveille a été rouvert le 15 septembre 1947) et la petite cité en pleine reconstruction est une vrai ruche : 180 ouvriers logent rue d’Égypte pour le compte de l’ONCOR.

L’année suivante, Monsieur Amchin, directeur du cours complémentaire des garçons assurait en même temps la direction du centre d’apprentissage de mécanique agricole qui venait d’être créé. Cette situation un peu particulière durera jusqu’en 1952, année où il sera remplacé par monsieur Jules Baron et où sera mise en place " l’Association des Parents d’Élèves des Écoles Primaires " par Roger Jeanne, directeur de l’école des garçons495 de Parigny.

Le 1er novembre 1947, Michel Cochois sort le premier numéro du journal " La Gazette de la Manche ".

En 1949, deux décès semblent tourner les pages de toute une époque : Le parlementaire Gustave Guérin (10 février) que l’on avait vu batailler 40 ans durant contre Lucien Lelièvre, symbolisant les heures sombres de la guerre et de certaines compromissions avec l’occupant, et le docteur Auguste Gautier (24 mars), " médecin des pauvres ", celle d’une époque où l’on parlait " social " certes, mais sans trop penser aux " structures " comme on dit maintenant.

A ce moment, celui des années 50, le souvenir des " années noires " s’estompait déjà, on commençait malgré la " guerre froide " à penser Europe et la municipalité Saint-Hilairienne qui avait su, toutes ces années, ravitailler, reloger, reconstruire, administrer sut aussi gouverner… et donc prévoir ! Dès 1949, le problème foncier était apparu urgent pour que le centre d’apprentissage ouvert le 8 octobre 1948 se mue en centre de mécanique agricole (futur lycée Lehec) ; pour acquérir la distillerie de Parigny ; pour construire les abattoirs; pour réaliser un " groupe scolaire " digne de ce nom. Là où avant-guerre, dans le climat délétère que l’on sait, il aurait fallu 20 ans, le climat d’union né du malheur et des ruines prévalut.

Depuis les bombardements, les travaux de l’église avançaient, les tours se languissaient de retrouver leurs cloches et les paroissiens attendaient impatiemment depuis huit ans le retour dans leur église.

498Les fêtes des 2 et 7 août 1952 ont marqué la mémoire des Saint-Hilairiens comme nulle autre fête auparavant : le 2 août 1952, Monseigneur l’évêque Guyot baptisa les nouvelles cloches nommées : " Hilaire " par MM. Henri Couteller, Pierre Lechaplais, Paul Lerebours-Pigeonnière et Mmes Motte, Bodin et Cauny. " Marie " par MM. le docteur Cuche et Léon Letondeur, Mme Victor Rogine et Mlle Marie Dibon. " Louise " par MM. André Fauchon et André Martel, Mme Alfred Amiard et Mlle Louise Lemonnier. " Yvonne-Benoitte-Blaise " par MM. Louis Lefort et Charles Jaunet et Mmes Eugène Cheval et Fernand Lehec.

La semaine suivante, le 7 août, eut lieu la consécration des autels restaurés et la rentrée officielle dans l’église paroissiale.

On pouvait lire dans la presse :

" … Depuis des semaines dans tous les quartiers régnait une intense activité en vue de la préparation de cette grande cérémonie. Le jour J, la ville n’était que tapis de mousse et de sciure, guirlandes de verdure, cuivres rutilants, fleurs naturelles aux couleurs éclatantes, inscriptions, banderoles, arcs de triomphe, etc…

Après avoir parcouru les rues de la ville, les autorités se dirigèrent vers l’église où eut lieu la longue cérémonie de bénédiction et de consécration des autels par Mgr Guyot pour l’autel provisoire, Mgr Fauvel pour l’autel de la circata, Mgr Pichard pour l’autel du Sacré Cœur et Mgr Simonne pour l’autel St-Joseph. Les reliques reçues la veille et déposées au baptistère furent ensuite ramenées aux différents autels où elles devaient être scellées par la suite. "

La campagne électorale de 1953 où l’on vit les rivaux d’hier rejoindre les rangs de la majorité municipale et faire liste unique manifestant bien cet état d’esprit qui avait vu dès 1951 envisager déjà la création d’un champ de foire, fêter le 70ème anniversaire de la Société Mutualiste et surtout en 1952, constater qu’il ne restait plus à reconstruire que 28% des 78% des bâtiments détruits.

505A peine réélu en 1953, le docteur Cuche et MM. Charles Jaunet, Jean Tharaux, Fernand Lehec se rendaient en septembre à Zierickzee en vue d’établir un jumelage avec cette cité de la Frise Hollandaise (photo ci-contre).

L’année suivante, Saint-Hilaire (3.950 habitants) renouait le 9 mai avec sa " Jeanne d’Arc " et retrouvait par la même occasion après plusieurs années d’interruption, sa fanfare qui trouvait matière à exercer ses talents pour l’inauguration du monument aux morts le 13 juin en compagnie des spahis algériens (photo ci-contre).

1955, semblait par de nombreuses fêtes-anniversaires, sceller le renouveau avec le 15 mai, le serment de jumelage de Saint-Hilaire avec la ville de Zierickzee en Hollande.

Le 17 juillet 1955, la société des courses présidée par le Comte de Rougé fête son 60ème anniversaire.

Le 9 octobre, Monseigneur Guyot, évêque de Coutances et d’Avranches, Monseigneur Evrard et de nombreux dignitaires ecclésiastiques président les fêtes du centenaire de l’église.

Seule, la fermeture de la filature (90 emplois) et les premières craintes d’un mot relativement nouveau dans le vocabulaire de l’époque, celui de " chômage " (1) venait ternir la fin de l’année 1955 commencée à la rubrique faits divers, par l’incendie de 2 baraquements de la coopérative agricole et de Madame Feuillet fleuriste ainsi que le café Jourdan détruit par l’eau.

1956, c’est l’année de mi-mandat pour Daniel Cuche dont l’autorité est à son zénith : le budget est passé à l’unanimité, mais le 12 janvier, suite à un incident somme toute mineur en conseil municipal (1) il démissionne ! Un geste déjà effectué et vite repris en 1946, mais cette fois-ci sans doute plus durablement réfléchi. Toute la ville s’interroge, pense à un coup de fatigue (il est depuis 11 ans aux manettes de la reconstruction mais aussi conseiller général, tout en gérant, en tant que médecin chirurgien un important hôpital), aggravé par les soucis de la fermeture de la filature. Au conseil, le premier adjoint Charles Jaunet s’emploie à " recoller les morceaux ", d’autant que le sous-préfet Mr Duchesne-Marulaz semble laisser entendre " que les méthodes de travail du maire sont à la base du malentendu ". Il lui demandera cependant de reprendre sa démission, ce qu’il fera en concluant son allocution de retour d’un " pourtant, ce soir je reviens parmi vous " lourd de sous-entendus. Tout le monde se satisfait du retour " du Docteur qui a sorti Saint-Hilaire de ses ruines ", mais comme le signalait (2) André Josset : "  Daniel Cuche n’a pas triomphé à la Normande, il n’a pas arrondi les angles, l’assemblée municipale à plié. Elle reconnaît à son maire des qualités exceptionnelles et, par son comportement, lui accorde beaucoup de puissance. De son côté, la population ne manque pas de discuter les avantages et les inconvénients d’un grand maire… A court terme, Daniel Cuche réalise une bonne opération ; l’histoire locale a montré qu’à moyen terme, trois ans plus tard, il perdrait toute la mise. "

Que se passa-t-il ensuite ?

l’année 1957 voit jeter les bases de l’école d’agriculture qui s’installera sur les terrains Maziau aux Loges Marchis.

Le premier grand prix cycliste est organisé le 29 mai par l’Union Commerciale créée un an plus tôt par Maurice Cauny.

L’achèvement (en août) du centre de secours, rue des Ecoles et le début des travaux de construction du groupe scolaire.

Le centre d’apprentissage de mécanique agricole étend son recrutement et s’avère trop petit avec ses désormais 221 élèves.

On inaugure le 6 octobre, rue de Bretagne, la plaque à la mémoire de Lucien Lelièvre.

En 1958, on fête déjà avec " le Bossu " le 10ème anniversaire de l’Elan Artistique sur le parvis de l’église.

Le groupe scolaire est inauguré en juillet par le Préfet Larieu.

Une crise sérieuse à l’U.S.H football (6 septembre) voit Jacques Thoury succéder à Maurice Boulay, personnage emblématique du sport local depuis des décennies tant en football qu’en cyclisme.

Coup de tonnerre annonciateur d’une crise autrement importante dans quelques mois… !

Daniel Cuche a fait la " ville de la campagne "

cette belle formule qui fit florès, et amplement reprise encore de nos jours est en effet de lui. Daniel Cuche (1912-1983), était arrivé à Saint-Hilaire en 1942 s’installant comme chirurgien à l’hôpital-hospice. Ayant participé à la Résistance, il avait été nommé Président de la Délégation Spéciale chargée de la gestion de la ville détruite, le 10 août 44, et élu maire dans la foulée le 20 mai 1945. Conseiller Général le 30 octobre 1945, il présida même cette année-là le Conseil Général de la Manche. Ce fut assurément l’ardent artisan de la reconstruction de la ville et dans cette tâche il reçut l’aide efficace et généreuse d’un secrétaire de mairie également hors-pair, Raymond Guillaume.

La première pierre de cette reconstruction fut posée par le Préfet Lebas le 1er mai 48, et pour cette contribution le Docteur Daniel Cuche fut fait Chevalier de la Légion d’Honneur dès le 4 janvier 1950. de 1942 à 1979, chef de service à l’hôpital il créa successivement les secteurs chirurgie et maternité, et comme président du conseil d’administration (de facto en tant que maire) initia plusieurs services annexes : radiologie, médecine interne, laboratoires, IMP (Institut Médico Pédagogique) pour enfants handicapés moteurs.

Comme maire, de 1945 à 1959 il fut à l’origine du Syndicat d’Initiative (1949), du jumelage avec Zierickzee, du lycée technique Claude Lehec, du lycée agricole des Loges Marchis, et à ce titre chevalier du Mérite Agricole (1956). En 1959, il était président fondateur du (S.I.A.E.P.) Syndicat Intercommunal d’Alimentation en Eau Potable, regroupant 27 communes.

Qu’a-t-il donc manqué à cet administrateur exceptionnel pour que le 8 mars 1959 aux élections municipales, les Saint-Hilairiens rejettent massivement et dès le 1er tour, le programme de cet élu au bilan exceptionnel ? Il fut jugé à cette époque trop " ambitieux ", partiellement pour lui peut-être, mais pour sa commune assurément : " il voyait loin pour sa ville dans le temps comme dans l’espace. Dans le temps car, on l’a vu, Saint-Hilaire s’est reconstruit harmonieusement pour le long terme, dans l’espace car il a vu la commune dans son environnement " remarque encore André Josset qui ajoute : " les Saint-Hilairiens ont eu un maire à la mesure des temps difficiles de l’après-guerre, à la carrure un peu forte pour ses électeurs, et pas disposé malgré un pragmatisme au quotidien, à faire des concessions sur les grands choix ". Certains voyaient chez lui de la " distance ", et une certaine forme d’usure du pouvoir bien expliquée par une triple charge, professionnelle (car il était un médecin qui toujours voulut exercer), municipale et cantonale.

En 1959, il sollicite en effet le renouvellement de son mandat après 15 ans aux commandes de la ville, et – le recul nous le fait remarquer avec plus de force encore – moins d’un an après le renouvellement politique général de 1958 qui avait vu le pays se doter d’une nouvelle constitution, et le Général de Gaulle revenir au pouvoir !

Il est sûr aussi que le gros dossier du champ de foire (qui aura également la peau de son vainqueur Claude Cheval, trois ans plus tard comme on le verra au chapitre suivant) en menaçant beaucoup de gens dans leurs intérêts immédiats, cristallisa une opposition facile et sournoise qui rejoignit sans doute un peu trop vite une population réclamant peut-être une pause, maintenant que la reconstruction était terminée. Abasourdie, frappée de stupeur, elle se reprit au second tour pour voter en masse pour faire passer 4 conseillers de sa liste (MM. Charles Jaunet – Maurice Cauny – Jean Tharaux et Maurice Moulin)… mais il était trop tard !

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