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23 août 2009 7 23 /08 /août /2009 11:07

CLAUDE CHEVAL

 

 

Début 1959, la première tranche des travaux de l’abattoir était en cours d’exécution et on pensait à reconstruire l’Hôtel de Ville et surtout " à implanter des usines " ! Ce dernier point sera d’ailleurs, un des griefs, et le cheval de bataille d’un petit groupe de mécontents qui se constitua autour de Claude Cheval. Un quasi inconnu à Saint-Hilaire car il revenait " des colonies " comme on disait encore à l’époque, n’ayant comme carte de visite politique que d’être le fils de Eugène Cheval, ancien adjoint du Dr Daniel Cuche.

Le Dr Cuche dans la même période était peut être aussi trop sûr de lui comme nous le confirme ce jeune notaire de 30 ans, qui, venant juste de s’installer à Saint-Hilaire, se présenta au maire de la ville : " j’arrivais de Louvigné, sans aucune ambition autre que professionnelle, mais le contact fut sec et abrupt : on me fit clairement comprendre, c’est moi le patron ici ! " Il s’agissait, bien sûr, de Paul Guinebault dont les souvenirs sont précieux pour comprendre ce qui va se passer dans peu de temps : " Le Dr Cuche avait certes un impressionnant bilan, mais nous n’étions plus dans l’immédiat après-guerre. Il avait moins de poids politique qu’on le croyait, et qu’il le croyait peut être lui-même. Il avait aussi, peut-être inconsciemment, fait de l’ombre à certains qui, désormais bien implantés au Département, avaient les moyens là-bas à Saint-Lô, mais aussi ici dans le Sud-Manche, par le biais d’autres notables des cantons voisins, de lui poser quelques problèmes. Disons qu’il commençait à devenir sensible sur le plan électoral ".

On l’aura compris, la politique " politicienne ", dans le contexte du changement de Constitution qui datait de l’année précédente, était revenue au premier plan. Hormis les questions de personnes, on voyait mal le Docteur Cuche, socialiste, intégrer, malgré ses incontestables qualités, le fameux " système " que peaufinait au département le sénateur-maire d’Avranches, Léon Jozeau-Marigné tout à la droite (CNI) de l’échiquier parlementaire.

C’est dans ce contexte que, le 19 février 1959, Claude Cheval adressa " ingénument " au Docteur Cuche sa candidature " parce que j’ai appris par les journaux que vous ne vouliez pas être maire !  ".

Il n’eut pas trop de mal pour constituer très vite une liste complète ! baptisée " liste d’Union dans le Travail ". On y trouvait aux côtés de personnages connus de la reconstruction (Georges Coeuret, dont on a vu l’action précédemment), des commerçants ayant pignon sur rue (MM. Jean Bourgeois, Albert Derain), mais surtout beaucoup de nouveaux visages. " quand on se lance, - poursuit Paul Guinebault qui était, bien sûr, de l’aventure - , on est toujours confiant. Mais la ville bruissait de rumeurs. On sentait qu’il allait se passer quelque chose. Il y avait eu cette pétition des commerçants contre le projet de marché couvert extérieur, et pas mal de gens remontés ". La campagne que l’on aurait souhaitée plus courtoise fut très dure, avec pluie de tracts sur la ville, le nom de Cheval comme celui de Lucien Lelièvre autrefois, se prêtant à toutes les plaisanteries, et pas du meilleur goût.


Le choc

 

Les pronostics en ce début de printemps 1959 ne militaient guère cependant en faveur des nouveaux venus. La liste montée par Claude Cheval sentait quand même l’urgence, et la Presse de son côté avait totalement pris fait et cause, et depuis longtemps pour les sortants. Le jour fatidique du 8 mars 1959, après une courte campagne mais chauffée à blanc où le problème du marché cristallisa l’attention de l’opinion, vit voter 80 % des inscrits… et ce fut le raz de marée ! la liste Cheval avec 1.562 voix, passa 17 élus sur 21 ! et celle du Dr Cuche avec 637 suffrages seulement deux noms : Me Louis Lefort (1.035) et Claude Lehec (1.080).

Passa alors une folle semaine, car il fallait revoter le 15 mars ; Saint-Hilaire, comme frappé de stupeur réalisa tout à coup que l’on avait " changé de régime ". Les plus virulents, jouèrent du calembour facile " on a donné un bon coup de pied de Cheval au Cuche " mais les plus réalistes pressentirent, à juste titre l’ouverture, sous leurs pieds, d’un abîme d’incertitude. Alors dans un de ces coups de balanciers dont l’Histoire a le secret, les Saint-Hilairiens, 8 jours plus tard, cherchèrent à rétablir le plateau d’une balance qu’ils avaient par trop chargé. Ils eurent de nouveau, mais cette fois dans l’autre sens, la main lourde : les 4 sièges à pourvoir allèrent en totalité à la liste Cuche (MM. Charles Jaunet, Maurice Cauny, Jean Tharaux, Maurice Moulin), ceux de la liste de Cheval (MM. Rousseau, Raffé, Poisson, Ruault) en ressortant éreintés ! Mais ce revirement tardif n’empêcha en rien, le 22 mars, Claude Cheval d’être élu maire avec comme adjoints dans l’ordre : Georges Coeuret, Paul Guinebault, Victor Roussel, Jean Bourgeois. Une nouvelle ère commençait…

3 ans de transition

 

Dans ses remerciements le 22, Claude Cheval affichait d’entrée un programme clair : abandon pur et simple de l’ancien projet Cuche de marché couvert extérieur au centre-ville. Installations de ce marché sur la place de la Motte, et de la mairie sur son emplacement d'origine, Waldeck Rousseau. Mais ce problème du marché couvert restait insoluble car lié à la révision globale du plan d’urbanisme de la ville qui concluait à la construction de la salle des fêtes et des bâtiments administratifs sur un îlot dont restait d’ailleurs à définir la disposition.
Deux projets (architectes Delaage et Holas) furent donc mis en lice, le dernier étant approuvé par le conseil (le 12 décembre 1961)… immédiatement remis en cause par le délégué du Ministre à la Reconstruction ! Finalement, fut retenu le principe de la construction de la mairie et des services administratifs en bordure de la rue de Paris, jouxtant donc un marché couvert restant en centre-ville, la salle des fêtes étant toutefois exclue du projet. On allait là contre l’avis des agriculteurs et des maires du canton lesquels par pétition l’année précédente (24 septembre 1960) s’étaient prononcés " contre le projet municipal, affirmant leur sympathie au Dr Cuche " lequel ne l’oublions pas, était resté conseiller général !

Comme il fallait bien en sortir, un avis favorable fut donc donné par l’architecte conseil le 10 janvier 1962, mais, patatras… le financement n’était plus subventionnable par l’Etat qui donnait désormais priorité au logement ! Face au mécontentement général Quelques semaines plus tôt, le 7 février, la démission de son premier adjoint Georges Coeuret avait fait éclater au grand jour un malaise latent depuis de nombreux mois. Le 26 mars 1961, il avait déjà été mis en minorité sur l’implantation d’un nouvel atelier, et Maître Guinebault second sur la liste des adjoints succédant donc à Georges Coeuret s’était également aussitôt désolidarisé de la politique de son maire éphémère qui restera néanmoins conseiller municipal jusqu’aux élections de mars 1965. On le retrouvera ensuite au niveau social local dans le secteur des personnes âgées. Claude Cheval est décédé le 4 avril 2003 à la Guadeloupe. 

Les belles années 60

 

Ces années " de transition " sur le plan de la politique municipale n’en furent pas moins assez fertiles sur le plan économique. Même s’il n’y avait plus qu’un train de marchandises par jour à la gare, il y avait chaque mercredi plus de 1.200 animaux sur le marché. En 1962 on recensait annuellement 20.000 veaux, 20.000 porcs gras, 15.000 porcelets, 15.000 moutons et il y avait 380 artisans et commerçants dans la ville.

C’est de cette époque que date l’implantation de grandes entreprises locales qui marqueront l’économie des décennies suivantes : Allardi et Junca (1960) Ceyde-Couillard et Martinaud (1962).

Sur le plan événementiel, en 1959, le 5 septembre avait eu lieu la rentrée dans le nouveau groupe scolaire et le 4 octobre avait été commémoré le centenaire de l’hôpital-hospice.

En 1960, on avait inauguré le Centre d’Enseignement de Vulgarisation Agricole (l’école d’agriculture) sur la route des Loges au dessus de l’hôpital ; mis en service le central téléphonique ; inauguré le monument du jumelage avec Zierickzee couronné même en fin d’année (le 12 novembre) par le premier mariage entre ressortissants des deux pays (Jacobus Lokker et Simone Besnard), et la mairie s’installait rue de Paris dans l’ancienne école des filles.

En 1961, la municipalité Cheval sortait de ses cartons un projet de piscine et le 4 mai, un orage de grêle faisait 1 milliard de dégâts sur toute la région.

Le 29 juin, des manifestations paysannes animaient le centre-ville (3.000 agriculteurs voulaient prouver leur solidarité à la paysannerie Française qui dans certaines régions connaissait des problèmes d’écoulement de production et des problèmes de prix)

et le 18 septembre s’ouvrait rue Dauphine avec 240 élèves le Lycée Technique d’État de machinisme agricole (ancien centre d’apprentissage).

L’année 1962, marque à Saint-Hilaire (qui comptait 4.321 habitants) la fin de la période de la Reconstruction avec la dissolution de l’A.S.R (1) et l’achèvement des lotissements Normand, du Prieuré et de l’ensemble paroissial.

Le début des " sixties " marquait aussi l’apogée et la fin des grandes fêtes gymniques et des " lendis " qui avaient repris depuis 1948 environ. Au plan sportif encore, toute la Normandie cycliste se déplaçait au critérium du moulin de Virey pour venir admirer les champions de l’époque : Anquetil, Simpson, Bobet, Forestier, mais aussi les locaux comme Albert Bouvet ou Gégène Letendre, le tout sous le micro d’Achille Gavard, speaker mais aussi homme orchestre d’un Vélo-club, c’est le cas de le dire… rayonnant !

 

 
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